
Le chef d’Etat a annoncé le lancement d’une grande réforme constitutionnelle, mercredi, juste avant la démission de son Premier ministre. Une manière de préparer son propre avenir au pouvoir.
Vladimir Poutine pourrait prendre la tête d’une instance de pouvoir à l’image du Conseil d’Etat. AFP/Sputnik/Alexey NIKOLSKY
Par Robin Korda
Les grandes manœuvres sont lancées. Le traditionnel discours annuel de Vladimir Poutine à l'assemblée fédérale a été marqué par une annonce d'ampleur, ce mercredi : celle d'une grande réforme constitutionnelle à venir. Surtout, elle est intervenue juste avant la démission du Premier ministre en poste, l'historique Dmitri Medvedev.
Que veulent dire ces changements, visiblement préparés de longue date mais lâchés comme des bombes? Pour Michel Eltchaninoff, auteur de « Dans la tête de Vladimir Poutine » (Actes Sud), un changement politique était certes « nécessaire ». Mais il semblerait, ici, servir avant tout « les intérêts » du chef d'Etat. Et préparer sa continuité au pouvoir, qu'il truste depuis 20 ans.
Que contiennent les annonces de Vladimir Poutine ?
Le président russe a proposé de soumettre à l'avis des citoyens une série de réformes de la Constitution. Celles-ci devraient notamment renforcer les pouvoirs du Parlement, tout en préservant le caractère présidentiel du système.
Après la démission de son gouvernement, Vladimir Poutine a proposé la nomination au poste de Premier ministre du chef du fisc, Mikhaïl Michoustine, un haut fonctionnaire méconnu du grand public. « On peut y voir une relance politique, estime Michel Eltchaninoff. Medvedev, taxé d'inefficacité et de corruption, était discrédité auprès des élites et de l'opinion. »
Par ailleurs, les Russes « ont pour beaucoup le sentiment qu'ils payent la grandeur retrouvée de leur pays au prix d'un affaissement social, en termes de pauvreté, d'éducation, d'infrastructures », poursuit le spécialiste de la Russie. Qui émet un bémol : « Ce qui est frappant, c'est que cette relance semble surtout servir les intérêts du président russe. »
Pourquoi Vladimir Poutine semble-t-il préparer son avenir ?
« Avec cette réforme constitutionnelle, on a visiblement affaire à un rééquilibrage des pouvoirs, décrypte Michel Eltchaninoff. Ce qui signifie qu'il y aura une perte relative de pouvoir du prochain président de la fédération de Russie. En d'autres termes, Vladimir Poutine prépare l'arrivée d'un président sous contrôle d'autres instances ».
Le système démocratique russe fourmille d'institutions sous forme de coquilles vides, à l'intérieur d'un système ultra-présidentiel. « Vladimir Poutine, qui ne peut pas se représenter en 2024 (NDLR : seuls deux mandats présidentiels consécutifs sont autorisés), pourrait prendre le contrôle de l'une d'elles, après lui avoir donné l'importance qu'il voudra », prévoit Michel Eltchaninoff. Y compris pour un rôle qui le laisserait, dans les faits, au pouvoir à vie.
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Lors de son allocution, Vladimir a notamment proposé de renforcer les prérogatives du Conseil d'Etat, une institution aujourd'hui consultative, composée de divers responsables nationaux et régionaux. Il pourrait compter pour cela sur l'appui des élites politiques, qu'il contrôle presque totalement. « Les partis d'opposition ont déjà annoncé qu'ils voteraient en faveur du nouveau Premier ministre, proposé par le chef de l'Etat », rappelle l'essayiste.
Qui est le nouveau Premier ministre ?
Haut fonctionnaire inconnu du grand public, Mikhaïl Michoustine dirige depuis dix ans le service des impôts, où il a organisé la refonte et la numérisation du fisc. Ingénieur de formation, il représente, à 53 ans, « l'efficacité, la technocratie et la lutte contre la corruption ». Les députés russes l'ont confirmé ce jeudi midi.