Confinement: les vertus méconnues de l’ennui

mar, 28/04/2020 - 12:14

LESOLEIL .SN

Restez chez vous ! C’est la recommandation principale un peu partout dans le monde en cette période de pandémie du Covid-19. Le problème, c’est que rester à la maison rime avec ennui. Pourtant, il est possible de tirer quelque chose de positif de cette situation, nous disent les spécialistes. Explications.

Si on revisite la littérature, des personnages et d’artistes célèbres l’ont incarné : Madame Bovary, Baudelaire ou Pierrot le fou.

De grands philosophes se sont aussi intéressé à la question : Schopenhauer le premier, suivi de Rousseau, Heidegger, Jankélévitch ou encore Pascal. Mais c’est sans doute Marcel Proust qui a le mieux réussi à rendre l’ennui agréable dans les différents tomes d’« A la recherche du temps perdu ». Ça c’est dans la vie spéculative et romanesque.

Dans la vie pratique, l’ennui est souvent vu comme quelque chose de négatif, « car il correspond souvent à une situation qui nous est imposée et qui nous contraint », observe Sylvie Chokron, directrice de recherche au Centre national de recherche scientifique (Cnrs, France). Pourtant, selon cette chercheuse, le fait d’éprouver de l’ennui est un sentiment très important. En effet, « c’est parce que nous ressentons un manque d’intérêt, ou encore parce que nous n’aimons pas ce que nous sommes en train de faire, que nous allons pouvoir changer d’activité et nous orienter vers des tâches plus intéressantes.

On dit donc de l’ennui que c’est une émotion ‘adaptative’, puisque c’est grâce à lui que nous allons rechercher les tâches les plus intéressantes pour nous ». Autrement dit, pour savoir ce qui nous plait réellement et rechercher ce qui est le plus motivant pour nous, rien de mieux que de s’ennuyer.

Une bonne nouvelle en ces temps de confinement et autres restrictions des mouvements (état d’urgence, couvre-feu…)

Mieux, il y a un rôle potentiellement positif de l’ennui pouvant être une source de créativité, explique Sylvie Chokron. « Lorsque notre esprit vagabonde, ou que nous rêvons ‘éveillé’ parce que nous sommes dans une situation où nous nous ennuyons, nous devenons plus créatifs car nous sortons de notre façon habituelle de penser, et nous sommes disponibles pour aller chercher des informations que nous négligerions sinon ».

Dans un texte publié dans le journal « Le Monde », le 21 avril dernier, elle raconte de nombreux exemples, dans l’histoire de la science, où l’ennui a servi de déclic à la créativité et à l’innovation.

Isaac Newton aurait formulé ses idées les plus brillantes pendant une retraite fort ennuyeuse à la campagne. D’après Jaime Gomez-Ramirez (université de Toronto) et Tomaso Costa (université de Turin), il est même possible de modéliser le lien entre ennui et créativité. Ainsi, « si on demande à des sujets qui sont en train de s’ennuyer de trouver toutes les utilisations possibles d’un objet, ils vont être beaucoup plus créatifs que s’ils ne sont pas dans une situation où ils s’ennuient », souligne Sylvie Chokron. 

C’est comme si le fait de s’ennuyer prédisposait le sujet à se lancer dans une activité plus riche d’un point de vue intellectuel pour sortir de l’ennui… C’est en cela que l’ennui dope la créativité.

Il ne reste plus qu’à espérer qu’un biologiste qui est en train de s’ennuyer quelque part trouve la formule qui immunisera l’humanité contre des pandémies comme le Covid-19.

Seydou KA