Sous le coup de sanctions américaines, l'équipementier Huawei peine à se faire une place sur le marché de la 5G.
Sous le coup de sanctions américaines, l'équipementier Huawei peine à se faire une place sur le marché de la 5G. REUTERS/Dado Ruvic/Illustration
Texte par :
Romain Philips
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Déjà en cours de déploiement dans de nombreux pays, le nouveau réseau mobile haut débit 5G doit faire ses premiers pas en France à la fin de l'année. Entre critiques et louanges de cette nouvelle technologie, les avis s’opposent. RFI fait le point.
La 5G, c’est quoi ?
Une révolution, voire « l’industrie de demain » pour les uns, une catastrophe pour d’autres. La 5G est la cinquième génération de réseau mobile, succédant ainsi à la 2G, 3G et 4G. En premier lieu, cette innovation permettra d’améliorer significativement – jusqu’à 10 fois plus – le débit des appareils connectés.
Mais la 5G étant une « technologie évolutive », précise l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), les attentes autour de cette technologie sont énormes. L’industrie et les entreprises voient dans la 5G une possibilité d’innover. Ce réseau pourrait donner un nouvel élan à l’automatisation des usines ou des transports. Objets connectés, télémédecine, voitures autonomes, robotiques… Les espoirs de voir cette technologie révolutionner l’industrie mondiale sont nombreux.
Contrairement aux précédents réseaux mobiles, la 5G utilise de nouvelles fréquences (3,5 GHz et 26 GHz). Ces fréquences, plus puissantes, mais avec une moins longue portée que le système actuel, nécessite donc de nouvelles infrastructures : des antennes plus nombreuses, car elles ne diffuseront plus des ondes aux alentours 24h/24 comme une antenne 4G. Ces nouvelles infrastructures enverront directement un signal vers l’appareil qui cherche à se connecter, et peuvent se mettre en veille lorsqu’aucun terminal n’est à proximité.
Où en est son déploiement ?
Dans l’Union européenne et le Royaume-Uni, des offres commerciales 5G sont disponibles dans une dizaine de pays « Autriche, Finlande, Allemagne, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Roumanie, Espagne et Royaume-Uni », selon le dernier rapport de l’Observatoire 5G, un organisme mis en place par l’UE pour surveiller le déploiement de cette technologie.
Dans le reste du monde, l’Observatoire estime qu’au mois de mars 2020, environ 25 pays disposaient d’un réseau 5G commercialisé. États-Unis, Chine, Arabie Saoudite, Afrique du Sud… Des réseaux sont déjà présents sur chaque continent. En Corée du Sud, l’Observatoire note « un déploiement massif » de la 5G avec plus de 100 000 antennes depuis fin-2019, l’un des réseaux les plus développés dans le monde, pointe l’Arcep. Si le rapport date de mars 2020, depuis, d’autres pays se sont rajoutés à la liste comme Madagascar. L’opérateur télécom malgache Telma a lui ouvert son réseau 5G au grand public le 26 juin.
Concernant la France, le développement de la 5G est en cours. Reportées à cause de la pandémie de Covid-19, les enchères pour l’attribution des fréquences 3,5GHz entre les opérateurs ont été repoussées par l’Arcep au mois de septembre. L’attribution des fréquences se fera ensuite dans les mois suivants et les opérateurs, libres de lancer leurs offres quand ils le souhaitent, pourront le faire dès la fin de l’année 2020.
Pourquoi ce projet est si contesté ?
Un manifestant d'Extinction rebellion lors d'une manifestation anti-5G à Bruxelles, le 5 juin 2020.
Un manifestant d'Extinction rebellion lors d'une manifestation anti-5G à Bruxelles, le 5 juin 2020. KENZO TRIBOUILLARD / AFP
Maires écologistes, députés, associations, ONG… Un mouvement de protestation contre le déploiement de la 5G a vu le jour au fil de son avancement. Pour certaines associations comme Priartem – écosensibles de France, la protestation dure depuis plusieurs années. Elle s’est toutefois amplifiée ces dernières semaines. L’élection à la tête de nombreuses villes françaises de maires écologistes qui demandent un débat et les conclusions de la convention citoyenne climat, rejoint par la députée Delphine Batho, réclamant un moratoire, ont mis du plomb dans l’aile au développement de la technologie.
Au nom du « principe de précaution », les opposants à la 5G souhaitent repousser son avènement en France pour que des études soient menées sur les potentiels impacts sur la santé et l’environnement de cette technologie. « Il n’y a eu aucune étude d’impact préliminaire au choix du scénario de déploiement », regrette Hugues Ferreboeuf, directeur du projet « sobriété » du think tank Shift Project, qui plaide pour une économie décarbonée.
Rendu public en janvier 2020, le rapport intermédiaire de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) remarque effectivement « un manque important, voire une absence de données relatives aux effets biologiques et sanitaires ». Les conclusions de ces recherches doivent être rendues publiques en 2021, soit quelques mois après la vente des fréquences aux opérateurs.
D’où la demande d’un moratoire sur le déploiement de la 5G. « L'intérêt c’est de pouvoir arrêter la mise aux enchères pour pouvoir étudier correctement le sujet. Il faut réfléchir avant et faire après », explique Sophie Pelletier, présidente de l’association Priartem. « Laissons le temps aux agences de travailler correctement », estime de son côté Stéphen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’Environnement.
Les deux associations ont déposé un recours devant le Conseil d’État au début de l’année pour faire annuler les décrets encadrant les enchères et le déploiement de la 5G. Si l’instance n’a pas retenu le caractère d’urgence de la demande, elle doit encore se prononcer sur le fond du dossier.
Faut-il s’inquiéter d'un danger pour la santé ou l’environnement ?
Une antenne utilisée pour le réseau 5G à Pékin, en Chine, le 19 mai 2020.
Une antenne utilisée pour le réseau 5G à Pékin, en Chine, le 19 mai 2020. NICOLAS ASFOURI / AFP
Suite aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat rendues le 29 juin au président de la République, Emmanuel Macron, le ministre de la Santé, Olivier Véran et l’ex-ministre de l’Écologie, Élisabeth Borne, avaient eux-mêmes soutenu l’idée d’un moratoire sur le déploiement de la 5G, préférant attendre que les agences mandatées par l’État rendent leurs expertises. Une idée qui n’a pas été retenue étant donné le manque de preuve mettant en avant le risque du nouveau réseau haut débit pour la population. Entre les associations et les autorités, l’interprétation du manque d’études s'oppose.
Mais pour la présidente de Priartem, le fonctionnement spécifique de la 5G pose forcément question. « Avec ces nouvelles antennes qui vont fonctionner comme des petits faisceaux et qui vont aller cibler l’utilisateur qui appelle le service du réseau », cela engendrerait « des expositions plus puissantes et plus intenses sur un petit laps de temps ».
« La situation que va générer la 5G va être très proche de la situation actuelle. Ce n’est pas parce qu’on a changé un peu les fréquences que d’un seul coup on va avoir un système très dangereux », tempère Yves Le Dréan, membre de l’équipe de chercheurs Évaluation de l’impact des ondes électromagnétiques sur la santé humaine à l’Inserm.
Si le chercheur écarte tout risque à court terme de la 5G, au long terme, l’interrogation demeure. « On ne peut pas dire qu’il ne se passe rien. On voit des effets biologiques, mais on ne sait pas s’ils peuvent avoir un impact sanitaire. On est donc face à deux hypothèses à très long terme, soit on a un poison très très lent soit c’est inoffensif », explique-t-il. Le débat est donc loin d’être tranché.
►À lire: 5G: l’Anses pointe le manque de données sur les conséquences sanitaires
Si les experts sont dans l’inconnu face aux potentiels risques pour la santé de cette nouvelle technologie, l’impact écologique, lui, semble plus qu’évident pour les détracteurs. « La 5G obligera le renouvellement intégral du parc de terminaux mobiles qui n’est pas compatible. Au regard du taux de recyclage sur les portables, déployés une technologie qui va entrainer une obsolescence technologique, pour nous, c’est totalement inacceptable », estime le DG d’Agir pour l’Environnement.
« Un équipement 5G aujourd’hui à pleine puissance consomme 2 à 3 fois plus qu’un 4G. À échéance de 5 ans, si le déploiement correspond au cahier des charges de l’Arcep, on devrait avoir en 2025 une consommation d’électricité 40% plus élevée », dénonce de son côté Hugues Ferreboeuf évoquant le cas de la Corée du Sud, où la consommation a « fortement augmenté » après le déploiement de la 5G il y a plus d’un an.
Face à ces estimations, Nicolas Guérin, secrétaire général d’Orange et président de la Fédération française des Télécoms, rétorque qu’il « faut arrêter avec l’anti-technologie. Il faudra y aller dans cette technologie de toute manière, si on attend, on va se retrouver avec des solutions développées en Asie et on sera en retard ». Selon lui, la 5G n’engendrera pas la catastrophe écologique redoutée. « 20 millions de terminaux sont déjà changés chaque année, je ne pense pas que la 5G accélère le mouvement », estime-t-il.
Les innovations permises par la 5G permettraient également de réduire son impact sur l’environnement. « Imaginez une route avec un éclairage public intelligent, on peut très bien imaginer que demain l’éclairage s’allume quand une voiture passe puis s’éteigne ensuite », plaide-t-il en énumérant les exemples.
Pour autant, il n’y a pas non plus de réponse magique à la réduction de l’empreinte environnementale du numérique. « Il y a un énorme effort à faire sur la sobriété numérique. Il ne faut pas toujours inciter à consommer massivement le numérique, mais à le consommer quand c’est utile », explique le SG d’Orange, évoquant également la possibilité d’éteindre les technologies anciennes – 2G, 3G, etc – pour réduire la pollution ainsi que l’exposition des habitants aux ondes.
Pour tenter de concilier tous les acteurs de ce chantier majeur, l'Arcep lance une « plateforme de travail : pour un numérique soutenable » à compter de ce jeudi 9 juillet. Le but ? Mettre autour de la table « associations, institutions, opérateurs, entreprises du numérique et personnalités intéressées » afin de réfléchir à un numérique plus durable.
Pourquoi l’entreprise Huawei est-elle au cœur de tous les débats ?
La question des équipementiers, les entreprises qui vont fournir les infrastructures pour le déploiement de la 5G, est au coeur du débat. Entre les deux feux du conflit opposant les États-Unis et la Chine se trouve la firme Huawei. Sous le coup de sanctions américaines, la firme est délaissée par les pays européens au nom de leur sécurité nationale et de la souveraineté européenne. Les autorités craignent les liens ambigus de l’entreprise avec le parti État chinois, mais avec la crise du Covid-19, la question de la souveraineté européenne s'est immiscée dans les négociations.
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Le Royaume-Uni et l’Italie par exemple pourraient interdire la technologie de Huawei sur leur territoire. De son côté, la France a décidé de limiter la durée d’exploitation de l’équipementier. Les autorisations d’exploitation seront donc limitées à huit ans pour les opérateurs qui utiliseront les antennes du groupe télécom chinois.
Une décision qui a un impact sur les opérateurs Bouygues Telecom et SFR, qui utilisent du matériel estampillé Huawei pour la 4G. En revanche, Orange a choisi l’entreprise suédoise Ericsson et le Finlandais Nokia, tout comme Free.
La 5G a-t-elle permis de propager plus rapidement le coronavirus ?
Avec la pandémie mondiale de Covid-19, les fausses informations sur internet étaient légion et la 5G n’a pas été épargnée par le phénomène. Accusée de propager le coronavirus ou encore de réduire les défenses immunitaires de la population, la 5G a eu mauvaise presse sur les réseaux sociaux, à tel point que des actes de vandalisme ont été recensés sur des antennes dans plusieurs pays.
►À lire: Reportage France – Les ennemis de la 5G sont de plus en plus nombreux
Les « théories selon lesquelles le Covid-19 a été créé - ou accentué ou propagé - par la technologie 5G » ont été très virales notamment en Italie et au Royaume-Uni, avance une analyse réalisée par cinq médias spécialisés dans la lutte contre la désinformation, dont l'AFP. « Tout cela ne repose sur absolument rien. Quand on regarde la littérature scientifique à ce sujet on s’aperçoit très rapidement que cela ne tient pas la route. On a donc très vite expliqué que c’était n’importe quoi, conclut Yves Le Dréan, mais malheureusement, ce genre de théories à la dent dure ».