La justice américaine accuse Google d'abus de position dominante. Kenzo TRIBOUILLARD / AFP
Texte par :Agnieszka Kumor
Aux États-Unis, une procédure antitrust a été ouverte contre Google. Le premier moteur de recherche en ligne du monde est accusé d'abus de position dominante vis-à-vis de ses concurrents et utilisateurs. Trois questions à Jean-François Faure, expert en numérique, président d’AuCOFFRE.com.
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RFI : Les autorités américaines réclament des changements structurels chez Google. Que risque ce groupe ?
Jean-François Faure : Le risque est multiple. Tout d’abord, il peut s’agir d’énormes amendes. Ensuite, cela peut signifier également un démantèlement de l’activité. Le groupe Google serait découpé et certaines de ses activités pourraient être cédées à d’autres structures qui seraient capables de les racheter pour les exploiter. L’idée est de faire de sorte à ce que Google n’ait pas tous les pouvoirs.
Cette affaire ressemble en tous points à celle de Microsoft et de son navigateur Internet Explorer. Le groupe avait été la cible des autorités de la concurrence des deux côtés de l'Atlantique dans les années 90 et 2000, avec un procès aux États-Unis et une série de contentieux qui avaient débouché sur de lourdes amendes en Europe. Par ailleurs, Microsoft a dû verser des dommages et intérêts à plusieurs plaignants. Que vise la justice américaine aujourd’hui ?
On se souvient, effectivement, de l’affaire Microsoft à qui on a interdit à l’époque de mettre trop en avant son navigateur internet. L’argument était qu’Internet Explorer détruisait la concurrence. Ce qui s’était d’ailleurs produit, car son concurrent direct, Netscape Navigator (édité par la société Netscape Communications, ndlr) avait tout simplement disparu à l’époque. On en est là avec Google. Aujourd’hui ce groupe a une telle puissance de feu qu’il est capable de développer à un niveau extrêmement élevé de qualité un outil qui existe en tant que tel dans la concurrence, et qui n’est même pas proposé à un utilisateur Google, parce que s’il n’en a pas entendu parler par ailleurs ce n’est évidemment pas Google qui va le proposer.
Tout comme pour Google, des enquêtes similaires ont été ouvertes contre Amazon, Apple et Facebook. La justice américaine les soupçonne également de pratiques anticoncurrentielles. Que traduit-elle cette offensive judiciaire ?
Aujourd'hui les géants de la tech, les fameux GAFAM, sont devenus plus puissants que les États. Comment faire face à eux ? Quand vous avez une entreprise dont la valorisation boursière est supérieure au produit intérieur brut d’un pays de taille majeur, comment faites-vous pour vous considérer suffisamment fort pour aller à son encontre ? On en est là.
Peut-être, qu’aujourd’hui on appartient tous à un seul pays qui s’appelle Google ou le pays Facebook. Rappelons au passage que le groupe de Mark Zuckerberg voulait il y a quelques mois lancer sa propre crypto-monnaie, le libra. Cette annonce a fait tellement peur aux États souverains que depuis ils n’arrêtent pas de dire que la monnaie est un droit régalien. Vous voyez bien qu’aujourd’hui on est à ce niveau-là. Les autorités américaines veulent démanteler ce genre de grandes entreprises, leur couper un peu de leur force parce qu’elles savent qu’au-delà de l’impact sur l’utilisateur final et sur ses capacités de choix, il en va de la crédibilité des États. Je parle des enjeux que peuvent représenter la force de ces grands acteurs face aux États, eux-mêmes