L’abrogation de la loi d’amnistie de 1993 n’est pas une menace, ni pour l’Etat, ni pour une communauté bien précise
RMI Info - A mes compatriotes arabophones,
L’abrogation de la loi d’amnistie de 1993 (Loi numéro 93-23 du 14 juin 1993 portant Amnistie) n’est pas une menace, ni pour l’Etat, ni pour une communauté bien précise.
Elle ne peut être une menace que pour les criminels qui ont commis des atrocités à l’encontre d’une frange de notre population. Nous ne devons pas nous identifier aux criminels. Nous devons TOUS demander l’abrogation de cette loi, comme point de départ pour une approche consensuelle, basée sur la justice et la réconciliation.
C’est une cause juste et une cause de tous les mauritaniens, ce n’est pas la cause de certaines organisations ni la cause d’une communauté. Son abrogation va faciliter la réconciliation, en permettant de clôturer définitivement ce dossier qu’on traîne comme un boulet. Un véritable serpent de mer.
L’abrogation de cette loi scélérate et l’engagement d’un processus de justice transitionnelle ne signifie pas nécessairement un règlement de comptes, mais une juste reconnaissance des fautes et des crimes commis et une réparation équitable et surtout des mesures de non répétition.
Il revient à l’Etat de dégager sa responsabilité, en demandant pardon, parce le régime incarnait l’Etat à un certain moment et en dédommageant les victimes, en créant les conditions d’un dialogue qui permet de tirer au clair ce qui s’est passé, de situer les responsabilités et de prendre des mesures destinées à éviter la répétition de tels actes.
Il existe deux niveaux de responsabilité, un niveau politique qui relève du chef de l’Etat de l’époque, qui n’a pas nécessairement donné les ordres, mais qui créé le contexte propice aux exactions et surtout n’a pas agi pour en punir les coupables ; et un niveau de responsabilité personnelle, qui incombe aux exécutants et aux donneurs d’ordre, qu sont plus ou moins connus.
Un tel processus ne signifie nullement de s’attaquer à l’armée nationale. Si l’Etat doit être tenu pour responsable, à titre politique, il serait faux et abusif de considérer que l’institution militaire serait responsable en tant que corps. Les exactions commises ont été très localisées (essentiellement dans trois bases militaires) et n’ont impliqué qu’un nombre limité de donneurs d’ordre et d’exécutants, à telle enseigne que longtemps durant la très grande majorité des militaires ignorait complètement ce qui s’était passé. Ce serait aussi un abus de penser que l’armée nationale est solidaire d’une petite poignée de tortionnaires.
Toutefois, certaines acteurs cultivent délibérément la confusion et l’amalgame. Ils devraient pourtant savoir que ce processus ne passe pas par la justice ordinaire. Il s’agit d’une problématique politique qui ne peut être résolue à travers un processus judiciaire ordinaire, encore moins au niveau des instances internationales. L’activisme dans les sphères internationales, même s’il peut accélérer la prise de conscience de la nécessité d’une solution, parasite fortement un tel processus et empêche l’émergence d’un consensus national sur la question. C’est pourquoi il serait recommandé d’avoir recours à la justice transitionnelle qui met en place des mécanismes adaptés pour prendre en compte la dimension politique du problème.
Pour autant, la gravité des actes commis est telle qu’elle continue de miner la cohésion nationale. Le pays ne pouvant s’accommoder de la persistance d’un contentieux non résolu ni d’approches partielles qui ont prévalu depuis ces tristes événements, seul un processus associant l’ensemble des parties prenantes, y compris les ayants droits des victimes, l’armée, la société civile...permettrait de faire lumière sur ce qui s’est réellement passé et de jeter les bases d’une réconciliation durable.
Le processus de dialogue qui va s’ouvrir incessamment est l’opportunité idéale pour clore définitivement ce dossier.
NB : Ce texte, en cours de traduction, sera publié en arabe, incha Allah.
Mohamed El Mounir
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