L'Authentique - Il semblerait de sources dignes de foi, que Mohamed Ould Abdel Aziz ne serait plus intéressé par un dialogue avec l’opposition. Désormais persuadé que ce dialogue ne lui offrirait finalement pas un tremplin institutionnel pour se maintenir au pouvoir,il aurait décidé d’agir autrement. Comme en 2005 et en 2008, il pourrait bien, selon certains de ses détracteurs, passer en forcing le cap de 2019 pour un nouveau mandat.
Le dialogue semble être mort de sa triste mort. Toutes les pendules d’un accord politique consensuel entre les acteurs nationaux se sont en effet arrêtées et personne ne parle plus de dialogue politique, hormis quelques invaincus soldats de la réconciliation.
Seules deux timides sorties ces derniers temps rappellent à la postérité que dans un passé très récent, il a été question de rounds de négociation entre pôles politiques pour une sortie de crise, avant que tout ne retombe dans un silence assourdissant.
La première sortie est signée d’un éminent érudit du parti islamiste Tawassoul qui a appelé lors d’un rassemblement tenu la semaine dernière, à un retour au dialogue politique comme unique moyen de conjurer les dangers qui guettent le pays. En ce sens, trouve-t-il, les acteurs politiques doivent s’engager à un dialogue franc et sincère, et profiter du Ramadan et de son souffle rédempteur.
Ce dialogue est d’autant plus nécessaire pour le pays, dira-t-il en substance, qu’il permettra de mettre fin au bras-de-fer qui oppose les forces en présence sur la scène politique et dont les conséquences selon lui, pourraient être dangereuses pour la cohésion sociale et l’unité nationale.
Pour sa part, le Front national pour la démocratie et l’unité (FNDU) qui regroupe l’aile dure de l’opposition, a publié un communiqué de presse dans lequel il accuse le pouvoir de manque de sérieux et de volonté dans la poursuite d’un dialogue politique responsable avec les acteurs nationaux.
Selon le FNDU, l’évidence d’une mauvaise volonté du pouvoir à prendre ses responsabilités historiques dans la bonne gestion des biens publics et le bien-être de sa population, crève les yeux.
Parmi les dérives qui se multiplient en l’absence d’un consensus national, le FNDU cite la hausse folle des prix, la sécheresse qui commence à décimer le bétail, l’insécurité galopante dans les villes, les menaces graves portées à l’unité nationale, l’indifférence face à la recrudescence des conflits domaniaux et leur alimentation souvent comme le dernier cas à Guerrou, la détérioration de l’enseignement avec les dernières fuites au baccalauréat, la montée inquiétante du taux de chômage, l’accaparement en toute impunité du domaine de l’Etat (aéroport, stade olympique, école de police, etc.)
Le FNDU a ainsi fustigé l’indifférence du pouvoir en place devant la détérioration de la situation générale du pays, accusant le président Aziz de privilégier les tournées carnavalesques à travers le pays à la résolution des problèmes des populations, que ces visites de prestige auraient rendu plus pauvres, plus assoiffées et plus éloignées des services sociaux de base. A ces divers problèmes socioéconomiques, le FNDU ajoute le blocage politique qui rend impossible tout échange entre les acteurs de la vie nationale.
Selon le FNDU, les négociations qui avaient repris se sont brusquement arrêtées, dès que la feuille de route contenant les conditions de l’opposition pour un dialogue politique a été remise au pouvoir en place.
Ce dernier en refusant de répondre par écrit au document qui lui a été adressé, prouve ainsi, selon le FNDU, sa mauvaise foi dans un dialogue politique qu’il avait pourtant appelé de tous ses vœux en le provoquant. Qu’est-ce qui s’est passé ? Pour répondre à cette question, deux réponses sont avancées par les analystes.
La première serait que finalement, Mohamed Abdel Aziz a cédé à la pression d’une forte partie de son bord politique qui ne souhaitait pas voir aboutir un quelconque dialogue avec l’opposition. Ces derniers craignaient la perte de certains privilèges électifs, notamment des postes juteux de parlementaires, de maires et de conseillers qu’un éventuel dialogue pouvait remettre en cause.
En effet, il était question d’une rebelote des scrutins législatifs et municipaux qui allaient signer le retour sur scène des grands partis de l’opposition, et partant, l’élimination de plusieurs partis aujourd’hui présents au parlement et dans les conseils municipaux.
Deuxième hypothèse, Mohamed Abdel Aziz qui aurait manigancé le dialogue dans le but de se frayer une voie légale pour un troisième mandat, ne voyait plus l’intérêt d’une telle entreprise, face à l’intransigeance de l’opposition à lui en refuser le prétexte.
Aussi, des échos avaient-ils circulé en pleine période de négociations, sur de offres de révision constitutionnelle pour modifier l’âge de candidature à la magistrature suprême, histoire de provoquer une modification des mandats du président de la République. Face à l’échec d’une telle tentative, Ould Abdel Aziz se serait tout simplement détourné du dialogue.
D’aucuns trouvent que celui qui a déjà initié deux coups de force politique en l’espace de trois années, n’aura aucune difficulté à en initier un autre. Ainsi, Mohamed Ould Abdel Aziz pourrait bien se créer un après 2019, en toute tranquillité.
Cheikh Aïdara