Tagourla Fatimata - La responsabilité sociale et environnementale (RSE) poursuit trois objectifs à savoir la croissance économique, le respect de l’environnement et le progrès social. Elle implique pour une entreprise de prendre en compte, non seulement son intérêt ou celui de ses associés, mais également l’intérêt de ceux qui sont communément appelés les parties prenantes à savoir les salariés, les syndicats ou encore les populations locales.
La norme ISO 26000 présente la RSE comme « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique (…) ».
La RSE peut donc être considérée comme une déclinaison du développement durable pour les entreprises. Concrètement, il s’agira de respecter l’environnement, d’offrir de bonnes conditions de travail aux employés, de respecter les droits fondamentaux, de mettre en place une politique de non discrimination favorisant par exemple l’emploi des handicapés, de respecter l’égalité hommes-femmes, de veiller à ce que les activités aient un impact positif sur les populations locales etc.
La démarche RSE renvoie donc à la bonne gouvernance pour les entreprises. En Europe, pratiquement toutes les grandes entreprises mais aussi plusieurs PME ont adopté une démarche de responsabilité sociale. En Afrique, l’idée fait son chemin.
C’est ainsi qu’au Maroc, la confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) a mis en place un label RSE qui peut-être décerné, après vérification par des tiers indépendants, pour une durée limitée, aux entreprises qui respectent les points contenus dans la charte RSE élaborée par cette même confédération.
Au Sénégal, plusieurs entreprises, filiales de multinationales ou PME locales, ont adhéré au réseau RSE ; l’ institut sénégalais des administrateurs et le gouvernement ont mis en place un code de bonne gouvernance applicable aux entreprises publiques, parapubliques et privés.
Quelle peut être l’application de la notion en Mauritanie ? La forte présence des compagnies minières ou extractives incite à militer pour l’appropriation du concept dans la gestion des entreprises. Mais la RSE ne se limiterait pas à ces sociétés ; toute autre entreprise, quel qu’en soit le domaine d’activité, pourra y adhérer.
L’introduction d’une démarche RSE assurera non seulement le progrès social mais contribuera également à renforcer l’image de l’entreprise et à attirer l’investissement. En effet, certaines institutions financières et certains fonds d’investissement lient désormais leur participation financière à l’adoption d’une telle politique.
A l’instar de nos voisins, le patronat mauritanien pourrait penser à l’adoption d’un code de bonne gouvernance. L’adhésion à ce code sera volontaire mais la publicité qui l’accompagnerait serait fortement incitative. Parallèlement, une charte RSE adaptée à nos réalités locales pourra être mise en place.
Elle inciterait, de manière non exhaustive, au respect des conditions d’hygiène et de sécurité, à la préservation des ressources naturelles, à la promotion de la diversité culturelle, à l’emploi des handicapés, à l’égalité hommes-femmes, à la lutte contre la corruption, au respect de l’environnement, , au respect du droit syndical, à la promotion d’activités de développement pour les populations locales et au civisme fiscal. Un rapport annuel sur les progrès accomplis par chaque entreprise en la matière sera publié.
Parallèlement, un label RSE pourra être décerné, après enquête indépendante, aux entreprises qui auront adopté la charte et respecté les engagements par eux souscrits. Ce label sera un facteur de compétitivité et son existence servira à pallier le reproche souvent fait à la RSE tenant à son caractère de « soft law » c'est-à-dire de droit non contraignant.
A court terme, l’adoption d’une démarche RSE constituera un investissement plus ou moins couteux pour l’entreprise mais à long terme elle en tirera profit car elle bénéficiera, entre autres, d’une meilleure image, d’une meilleure productivité des salariés ou encore d’une meilleure perception par les populations locales.
Au niveau légal, une disposition dans le code de commerce pourrait instituer une obligation d’information, pour les filiales opérant dans des secteurs clés, sur les impacts de leurs activités sur les populations locales. Cette obligation d’information devra être contenue dans le rapport de gestion annuel de la société; une dérogation pourra être accordée lorsque cette obligation est déjà accomplie par la société mère dans son rapport de gestion consolidé. Auquel cas, une copie devra être jointe au rapport de gestion de la filiale.
L’appropriation des préoccupations sur la responsabilité sociale des entreprises permettra à notre pays d’être en phase avec les recommandations de plusieurs organisations internationales telles que l’OCDE et l’OIT mais également de mettre en œuvre les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme des Nations unies.
Et à l’heure où les objectifs du développement durable (ODD) ont supplanté les OMD, l’impulsion d’une Responsabilité sociale des entreprises permettrait à la Mauritanie de s’inscrire dans cette dynamique.
Fatimata Tagourla
Docteur en droit
Consultante