Le ministre de la Pêche condamne les manifs de Ndar : «Je n’irai plus en Mauritanie négocier les amendes»

dim, 09/02/2020 - 17:07

 

Politique221 - Un peu plus de 72h après les violentes manifestations de pêcheurs à Saint-Louis, le ministre de la Pêche a rencontré les acteurs du secteur, triés sur le volet, à la gouvernance.

Loin du tumulte guet-ndarien. Alioune Ndoye qui semble souffler sur les braises fumantes a tapé du poing sur la table pour dénoncer les évènements du mardi dernier qui ont plongé la ville de Saint-Louis dans le chaos et provoqué le placement sous mandat de dépôt de 31 personnes jeudi.

Ministre de la Pêche, Alioune Ndoye a jeté un pavé dans la mer guet-ndarienne, très agitée depuis mardi. Sans mettre de gants, il dit : «Je n’étais pas venu pour une négociation, mais plutôt pour une séance de travail. Nous étions venus pour rétablir la vérité, car depuis lors on entend dire qu’il y a un déficit de communication de la part de l’Etat. Il n’en est rien. Tout ce que l’Etat fait dans ce secteur, il le fait dans une démarche inclusive avec la participation de tous les acteurs, du début à la fin. Il n’y a rien que nous ayons décidé ou signé sans que ces acteurs ne soient mis au courant.»

Le ton ferme, il condamne les évènements de mardi qui ont plongé la vieille ville dans une ambiance indescriptible.

«Ce sur quoi nous sommes d’accord avec tous les acteurs que nous avons rencontrés, c’est que ce qui s’est passé à Saint-Louis est inacceptable. Ça ne peut être toléré ni encouragé. L‘Etat reste l’Etat et c’est lui qui garantit la sécurité de tout citoyen», a-t-il martelé.

Durant sa séance d’explications avec les acteurs du secteur, le maire de Plateau a déchiré la revendication liée à l’octroi des licences de pêche qui serait à l’origine du déchaînement des pêcheurs mardi dernier.

«Toute information alléguant cela est fausse, car le problème des licences avait été réglé depuis décembre. Les autorités mauritaniennes avaient décidé en décembre d’annuler les taxes du troisième trimestre, mais aussi à hauteur de 75% les amendes que les pêcheurs sénégalais devaient payer, suite à des contraventions qui avaient été listées au cours d’une réunion qui s’était tenue les 6 et 7 mai 2019 à Saint-Louis. Donc, c’était connu de tous.»

Il précise : «Seule une catégorie d’amendes, c’est-à-dire celles relatives aux espèces interdites, n’a pas été annulée.» Il rappelle que les autorités mauritaniennes étaient déjà à Saint-Louis avec les 400 licences en question. Mais elles «s’étaient heurtées au problème des amendes non payées. Ce qui a obligé ses services à annuler la délivrance de 47% du quota, soit 178 licences».

Malgré cette situation de blocage, il informe que les négociations s’étaient poursuivies pour aboutir à de nouveaux accords. «Les autorités mauritaniennes avaient dépêché à Saint-Louis une délégation avec les licences et ont aussi décidé d’annuler complètement les amendes. Cela a permis de repartir d’un nouveau pied», précise-t-il.

Ces pourparlers ont permis d’effacer 600 millions F Cfa d’amendes. Dans ce sillage, il a mis en garde les pêcheurs : «J’invite les acteurs de la pêche à respecter la réglementation mauritanienne.»

Au cas contraire, prévient-il, il n’irait plus négocier sur la question des amendes en cas de non-respect de la réglementation.

Sur un ton ferme, il conclut que «les mouvements d’humeur du mardi ont d’autres motifs et n’ont rien à voir avec le problème des licences». «J’invite les acteurs à éviter de se faire embarquer par des gens qui ont des intentions inavouées. Du point de vue des responsabilités, je demande, pour ceux qui sont coupables de ces actes inqualifiables, qu’on les laisse face à leurs responsabilités parce qu’on ne peut pas prendre en otage toute une ville. Nous demandons aux jeunes qui sont nos parents de ne plus se laisser embarquer dans ce genre d’aventure sans lendemain parce que l’Etat restera l‘Etat et force restera à la loi», prévient le ministre de la Pêche qui pense que les jeunes «ont été des boucs-émissaires» d’une histoire qui a dégénéré.

Guet-Ndar implore le pardon de la Nation

En tout cas, ces propos moins conciliants de Alioune Ndoye semblent avoir un écho favorable auprès des représentants des pêcheurs et des associations de pêcheurs qui ont, à l’unanimité, reconnu la faute des jeunes, regretté les violences provoquées par les violentes manifestations et imploré le pardon de la Nation.

Iba Fall, représentant du Comité local de la pêche artisanale (Clpa), renchérit : «Nous déplorons ce qui s’est passé à Guet-Ndar. Et nous nous inclinons devant la Nation pour demander pardon, car nous avons tort à propos des saccages perpétrés. Tout Guet-Ndarien a le cœur meurtri. Cela n’est pas le comportement d’un bon Guet-Ndarien.» Tour à tour, les acteurs ont rappelé que l’Etat met chaque année plus de 260 millions sur la table sous forme de subventions, la mise en place d’une politique de protection «en imposant une limitation des prises accordées aux pêcheurs sénégalais à 50 mille tonnes et le nombre de licences à 400».

Aujourd’hui, il reste encore une question centrale : Comment les populations de la Langue de Barbarie vont accueillir ces différentes sorties. En attendant, Saint-Louis continue de panser ses plaies alors que ses populations meurtries et traumatisées par les scènes de violence de mardi dernier nourrissent l’espoir de voir leur ville retrouver son calme légendaire qui a toujours fait son charme.

Astou Sall