Le bilan de la cavale meurtrière de Gabriel Wortman, 51 ans, dans des petits villages du centre de la Nouvelle-Ecosse, à l’est du Canada, s’alourdit encore. Mardi 21 avril, la gendarmerie royale du Canada (GRC) de la province a annoncé que le nombre de victimes tuées dans la nuit du samedi 18 au dimanche 19 avril s’établissait désormais à au moins 22 personnes, dont une âgée de 17 ans. Un bilan auquel il faut ajouter le tireur, abattu par les forces de l’ordre dimanche matin dans une station-service d’Endfield, à une centaine de kilomètres au sud de Portapique où le tueur avait commencé sa tuerie, la plus meurtrière que le Canada ait jamais connue. Les autorités avaient dans un premier temps fait état de 23 victimes, mais ce bilan comprendrait en réalité le tireur.
Lire aussi Canada : dix-huit morts dans une fusillade, la plus meurtrière de l’histoire du pays
Les autorités n’excluent pas que le nombre de victimes augmente encore, car sur les seize scènes de crime analysées par les enquêteurs, certaines d’entre elles ont été incendiées par le meurtrier. Le quotidien anglophone The Globe and Mail rapporte que Gabriel Wortman aurait mis le feu à sa propre maison, à Portapique, ainsi qu’à plusieurs résidences proches, avant de tirer sur des gens qui, en panique, s’enfuyaient de leur habitation. Selon la police, il n’est pas impossible que certaines personnes aient péri dans les flammes.
Le chef des opérations criminelles de la GRC de la province a précisé que « des victimes étaient connues du meurtrier, et ciblées, mais pas toutes », refusant de préciser la nature des relations que le tireur pouvait entretenir avec certaines d’entre elles. Il a par ailleurs semblé exclure toute complicité extérieure, affirmant que « la police ne recherchait aucun autre suspect ».
« Vrai uniforme ou copie conforme »
Si les autorités estiment qu’il est encore trop tôt pour dévoiler le parcours exact de Gabriel Wortman à Portapique et ses alentours, elles cherchent à répondre à deux questions essentielles pour l’enquête : comment le meurtrier s’est-il procuré un uniforme de la GRC, « un vrai uniforme ou une copie conforme », et comment il pouvait rouler à bord d’une voiture maquillée aux couleurs de la GRC ? Le véhicule a été retrouvé incendié, dimanche matin, sur le lieu où gisait le cadavre de Heidi Stevenson, une policière de la GRC, comptée au nombre des victimes.
Cette panoplie de policier utilisée par le tueur aurait facilité sa fuite et expliquerait, selon les autorités, pourquoi la chasse à l’homme a duré plus de douze heures. Les premières alertes téléphoniques faisant état de « coups de feu » ont en effet été reçues à 22 h 37 le samedi soir et le périple meurtrier ne s’est conclu qu’à 11 h 40 le dimanche matin.
Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le calvaire des survivants de fusillades aux Etats-Unis
Les enquêteurs effectuaient, lundi, les premières perquisitions dans les résidences privées du tireur, prothésiste dentaire installé à Dartmouth, près d’Halifax, pour tenter de mettre au jour ses motivations. Toujours selon le Globe and Mail, ce dernier était « passionné » par la police : il collectionnait du matériel utilisé par les forces de l’ordre et réparait d’anciennes voitures de patrouille déclassées.
Lundi, le premier ministre, Justin Trudeau, a publiquement rendu hommage aux policiers, « ces travailleurs du quotidien qui, malgré les circonstances exceptionnelles que nous traversons (la pandémie de Covid-19), n’ont pas hésité à risquer leur vie pour protéger les nôtres ». Il a demandé aux médias canadiens de ne pas montrer la photo du tueur, ni de citer son nom. « Ne lui faisons pas ce cadeau de la notoriété, concentrons-nous sur les victimes », a-t-il conseillé.
La reine Elizabeth II, chef d’Etat du Canada, a publié mardi matin un communiqué affirmant qu’elle et le prince Philip étaient « profondément attristés » par ces événements « épouvantables », rendant elle aussi hommage « à la bravoure et aux sacrifices de la GRC ».
Hélène Jouan(Montréal, correspondance)