En Afrique, le marché des « grandes oreilles » est en pleine expansion. Chefs d’État, opposants, hommes d’affaires : nul n’est à l’abri des hackers, et s’en prémunir est une vraie gageure. Enquête sur une très lucrative guerre de l’ombre.
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Le bâtiment ne paie pas de mine. Coincé entre le parking des employés de la présidence gabonaise et le mur d’enceinte longeant le boulevard de la République, à Libreville, rien ne le distingue des autres, hormis, peut-être, le buisson d’antennes hérissées sur son toit. Nul visiteur du Palais du bord de mer, occasionnel ou régulier, ne laisse son regard s’égarer sur ses trois étages, en apparence inoffensifs.
À quelques encablures, l’esplanade du palais attire l’œil. Plus loin, les bâtiments administratifs avalent les petites mains de la République. Rien de tel ici. Dans ce palais des « grandes oreilles », on préfère rester discret.
Derrière ces murs blanc cassé se dissimulent pourtant le Silam, le centre d’écoutes de la présidence, que dirige le Français Jean-Charles Solon. Cet ancien militaire passé par les services techniques de la Direction générale des renseignements extérieurs (DGSE, les services de renseignement français), aujourd’hui fonctionnaire gabonais à part entière, est le maître des écoutes à Libreville. Théoriquement soumis à la tutelle de la Direction générale des services spéciaux de la présidence, dirigée par Brice Clotaire Oligui Nguema, il dispose en réalité de son autonomie.
Chaque jour, c’est sous plis scellés que des notes sont transmises au chef de l’État, Ali Bongo Ondimba, dont le bureau est à deux pas. Retranscription d’écoutes téléphoniques, interceptions de SMS ou de conversations sur WhatsApp, espionnage d’échanges de courriels ou sur les réseaux sociaux… Jean-Charles Solon est, selon nos sources, bien équipé.
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Il est vrai que le Silam a longtemps bénéficié de l’expertise française, du SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage) puis de la DGSE. Aujourd’hui, des spécialistes privés liés aux services français ont pris le relais, comme l’entreprise Amesys (devenue Ames et Nexa Technologies), ou les plus confidentiels Ercom et Suneris Solutions.
Service à la carte
C’est un des logiciels d’Amesys, nommé « Cerebro », qui a un temps fait fonctionner les grandes oreilles du Silam. Une variante de la technologie commercialisée par les Français en Libye, du temps de Mouammar Kadhafi, ou au Maroc au tournant des années 2010.
ON RÉALISE DES DÉMONSTRATIONS DE CERTAINES TECHNOLOGIES, À L’OCCASION DE SALONS OU DE VISITES
Ercom et Suneris Solution occupent elles aussi une place de choix sur le marché africain, en particulier subsaharien. La première, qui a notamment équipé le Mali et le Sénégal, est spécialisée dans la sécurisation des échanges électroniques et téléphoniques. La seconde… dans leur interception. Toutes deux sont basées au sud-ouest de Paris, à Villacoublay, non loin du Commandement des opérations spéciales (COS
jeuneafrique
Par Mathieu Olivier