« Queer Landscapes », de Wojciech Pus, présenté aux Rencontres Internationales Paris-Berlin 2021. © RIPB 2021
Texte par :Siegfried Forste
C’est le grand rendez-vous de l’image en mouvement, entre cinéma et art contemporain, en direct et en ligne depuis l’auditorium du Louvre, à Paris. L’icône américaine Laurie Anderson prend la parole ce samedi 27 février, suivie par le Thaïlandais et Palme d’or Apichatpong Weerasethakul. Au total, les Rencontres Internationales Paris-Berlin (RIPB) proposent 122 œuvres de 39 pays, dont 90% de films en première française, européenne et internationale. Entretien avec le fondateur et codirecteur Jean-François Rettig.
RFI : Pourquoi les Rencontres Internationales Paris-Berlin sont-elles considérées comme une plateforme unique en Europe ?
Jean-François Rettig : Peut-être parce qu’il y a un manque cruel d’espaces de diffusion pour ces pratiques contemporaines de l’image en mouvement. L’autre point est qu’il ne s’agit pas d’un festival de films, mais d’un événement avec pour vocation culturelle essentielle de s’adresser aux publics. La dimension de paroles, de rencontres, d’échanges joue un rôle déterminant.
Les images en mouvement sont au cœur des Rencontres. Vous insistez beaucoup sur les espaces hybrides. Quelle est pour vous la plus importante nouveauté ou surprise de cette édition 2021 ?
Sous l’angle du contexte général et les conséquences sur les lieux culturels, c’est comme une réponse à ce contexte : une manifestation hybride avec une programmation présentée en direct de l’auditorium du Louvre, avec certains artistes présents à Paris et les autres à distance. Dans ce format hybride, il y a également un espace 3D immersif où, en temps réel, les œuvres sont disponibles et diffusées.
Ce travail extraordinaire a demandé l’implication d’une trentaine de personnes dans l’auditorium du Louvre pour numériser et scanner les espaces, prendre en photo les espaces intermédiaires pour en faire un travail de photogrammétrie. L’idée est de créer des événements atmosphériques à peine perceptibles, pour que ces interventions atteignent le spectateur en ligne et se rapportent aux œuvres diffusées dans cet espace. La plus grande nouveauté, c’est donc cette volonté d’une expérimentation en ligne avec cet espace 3D immersive. On souhaite montrer qu’il est possible de créer les conditions d’un espace commun, d’une expérience commune, de quelque chose de culturel qui se distingue des habituelles propositions vidéo en ligne.
Diriez-vous que la nouveauté de cette édition 2021 vient plus du contexte et des manières de diffusion que du contenu ou de la nouveauté formelle des œuvres présentées ?
Sur les approches et les démarches des artistes, on est toujours dans une question de singularité. La nouveauté se place sous cet aspect-là, d’une singularité des œuvres et des démarches qui est en permanence renouvelée.
« Filmer à Dakar », de Myriam Yates, présenté aux Rencontres Internationales Paris-Berlin 2021. © RIPB 2021
Laurie Anderson, pionnière et artiste pluridisciplinaire iconique, dispose ce samedi à 18h d’une carte blanche. En 2002, elle était la première artiste en résidence à la NASA. Sur quelle planète, Anderson nous emmène ou nous envoie-t-elle en 2021 ?
La planète sur laquelle on va atterrir est celle de l’amour et de l’amitié. Elle a choisi de dialoguer avec l’artiste Sophie Calle et les deux sont très proches à plusieurs niveaux. On va être en présence de deux « planètes » qui vont tourner l’une autour de l’autre… et il y aura le film de Sophie Calle, No Sex Last Night, et une pièce vidéo de Laurie Anderson, What You Mean We.
Apichatpong Weerasethakul est célèbre pour ses récits non conventionnels. Dimanche, il présentera son court métrage Ashes de 2012 où il a utilisé un LomoKino, un caméscope analogique unique à manivelle. Quel rôle joue la caméra dans ce film ?
Elle nous permet de voir, d’entrer dans cette ligne entre la mélancolie, l’irradiance d’un sentiment amoureux et la difficulté de résoudre son rapport au monde. Il y a aussi question d’un contexte politique et de résistance.
La Canadienne Myriam Yates interroge dans Filmer à Dakar les espaces publics en perpétuelle reconstruction, mais le seul film d’un artiste africain vient du Marocain Mounir Fatmi, The Human Factor. Quel est le rapport des Rencontres internationales Paris-Berlin à la présence africaine ?
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Elle est chaque année souhaitée, attendue et espérée, mais on bute souvent sur des questions de diffusion de l’information. Chaque année, on fait pendant trois mois un appel à proposition ouvert, gratuit, accessible à tous. L’enjeu est toujours d’aller vers les pays en Afrique et dans d’autres régions du monde où il y a une production passionnante, mais qui est très peu vue en Europe, à Paris, à Berlin.
The Human Factor, de Mounir Fatmi, est une démarche critique sur l’image véhiculée. Il parle de l’exposition coloniale internationale de 1931 à Paris et confronte ces images avec des extraits du film L’Inhumaine, de Marcel L’Herbier, de 1923. Chez Marcel L’Herbier, l’intention, le rapport au monde est à l’opposé de ce monde colonial de l’entre-deux-guerres.